L’esprit de l’ours/le corps du porc-épic

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Je suis franc, je n’ai pas peur des bêtes sauvages. Celles-ci s’attaquent très rarement à l’homme et souvent, elles viennent à sa rencontre par curiosité. À moins de rencontrer un animal atteint de la rage ou un ours qui, comme moi, n’a pas mangé depuis plusieurs jours, ce qui est rare étant donné que le territoire est un buffet ouvert pour lui, il n’y a rien à craindre de la vie sauvage au Canada. Cependant, depuis mes deux réveils paniqués, je suis investi d’une présence, d’un regard posé sur moi, d’une force métaphysique. Mes actes le prouvent, l’esprit de l’ours me trotte dans la tête.

Dans la culture amérindienne de l’Ouest, l’esprit de l’ours est appelé Hununpa. Il est le bi (nunpa) pède (hu) « deux jambes », tout comme l’homme. Dans cette mythologie, l’animal possède des pouvoirs de guérison et apparaît souvent à celui qui cherche sa voie par le véhicule du rêve. La bête enseigne la pharmacopée de la nature, les secrets des plantes et des racines.

Mais aujourd’hui, je n’avais qu’une demande à faire à l’esprit de l’ours, trouver à manger. Et puis, j’ai été entendu!

En fouillant le territoire, je suis tombé sur des fourmis que j’ai rapidement avalées. Mais pour faire un festin de ces petites créatures, il m’aurait fallu tomber sur une colonie beaucoup plus importante. C’est alors que je l’ai vu… oui, devant moi, dans un arbre, mon repas complet m’attendait, l’air nonchalant, avec ses grandes épines de porc-épic. « Oh toi, mon copain, tu vas finir à la broche! » me suis-je dit en me pourléchant les babines.

J’ai tenté de le faire descendre en lui lançant des pierres. Des petites, des grosses, rien à faire, mes attaques l’ont poussé encore plus haut dans l’arbre. Aux grands mots, les grands moyens… J’ai attaché mon couteau avec une tige de bois et j’ai escaladé l’arbre avec l’intention bien claire de lui faire la peau. Un bon coup dans le flanc n’a pas suffi, un deuxième lui a fait mal, le troisième fut le bon. Il est tombé en bas de l’arbre pour se fracasser au sol dans un bruit sourd. Ravi à l’idée d’avoir une proie à dépecer, je suis descendu le plus rapidement possible, mais le chenapan avait disparu. « C’est impossible! Je délire! » me suis-je dit. « C’est la faim qui m’égare, j’ai bien fait tomber ce porc-épic! » Un dernier souffle de vie l’avait entraîné un peu plus loin. Ouf! Il avait rendu l’âme.

Vous trouvez cela cruel? Hum… faites une petite visite dans un abattoir, on reparlera de votre jambon.

Couteau à la main, je l’ai dépecé pour me rendre compte qu’il n’y a pas plus de viande sur les porcs-épics du Yukon que ceux du Québec. Mais à cheval donné, on ne regarde pas la bride! J’en ai fait un genre de bacon sauvage au goût tout à fait abject. Avec un peu de ketchup, peut-être que la viande m’aurait fait plus envie, mais là… comme ça… avec l’odeur, le gras qui coule, le parfum sauvage du musc entremêlé de la fumée de mon feu, il fallait avoir faim, vraiment faim pour ingurgiter de mon barbecue. Pour être franc, les fourmis sont meilleures au goût. Plus croustillantes et plus sucrées…

Déjà, après seulement quelques minutes, j’ai senti mes forces revenir. Mon corps se nourrissait pendant que mes pensées noires s’envolaient, peu à peu, une à une. L’énergie revenait dans mes bras et mes jambes, en même temps mes idées reprenaient de l’altitude! Pas de doute… il faut manger pour vivre. Le monde est d’une infinie noirceur lorsqu’on n’a rien à se mettre sous la dent. La souffrance rend morose, elle nous déprime, nous rend instable.

Une fois mon banquet terminé, j’ai rapidement décidé de quitter les lieux. L’odeur de la mort, du sang, de ma grillade, mais surtout de tout ce gras absorbé par la terre allait m’attirer bien du monde. Dans ce pays sauvage où l’homme ne fait que très rarement de la cuisine avec les produits locaux, j’avais allumé une bombe olfactive capable de me ramener les plus gros, grands et poilus compères du coin.

J’ai donc emballé le reste de mon repas dans un bout de plastique improvisé, tiré de mon matériel, puis je me suis poussé en vitesse. Quelques rapides plus loin, je m’installais sur un nouvel emplacement de camping pour y passer la nuit.

Bien ragaillardi par mon festin, je me suis fait un feu et j’ai… j’ai… grelotté toute la nuit.

Lorsque le soleil s’est pointé le nez, je me suis dit que je n’avais définitivement pas besoin de l’esprit de l’ours, mais que sa peau, elle, me servirait davantage. Avec un peu de chance, je pourrais en trucider un avec mon canif aujourd’hui.

Je suis en forme.

P.S. N’oubliez pas de faire un don pour Opération Enfants Soleil !

Fred en trois points : 

Moral : 9 sur 10
Physique : 9 sur 10
Ce qui lui manque : du ketchup pour accompagné le porc-épic et de la musique!

Capsule de Fred ayant servie à l’écriture de ce texte :  

Progression de Fred

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Bandeau conférence

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