Difficile pour le corps, difficile pour l’esprit

Difficile pour le corps, difficile pour l’esprit

J’ai lu avant de partir pour le Yukon que les premiers Européens à traverser le détroit de Béring furent les Russes au XVIIIe siècle, suivis par d’autres explorateurs venus de partout en Europe. Le nombre de ces nouveaux venus ne cessant de croître, les Autochtones commencèrent alors à troquer des fourrures contre du tabac, des armes et d’autres marchandises. La traite des fourrures se développa peu à peu avec la venue de la Compagnie de la Baie d’Hudson et d’autres commerçants indépendants qui établirent des comptoirs de traite un peu partout au Yukon.

Puis, au mois d’août 1896, il y a de cela exactement cent vingt ans, trois hommes trouvèrent par hasard de l’or dans le ruisseau Bonanza, tout près de la ville maintenant mythique de Dawson. L’événement marqua le début de la fantastique aventure de la ruée vers l’or. Le Klondike était né!

C’est précisément pour cette raison que j’avais imaginé, va savoir pourquoi, d’anciennes cabanes d’explorateurs sur ma route, des chalets d’amoureux de la chasse et de la pêche ou des signes plus évidents d’un passage de l’homme dans ces coins. Mais rien… que des traces de la vie sauvage, mais pas de traces de bottes.

Hum! Une semelle de botte, ça se mange? Je suis certain que, bien assaisonnée…

En effet, je n’ai pas mangé depuis mon départ et la journée d’hier, où j’ai navigué à bonne vitesse pendant près de dix heures, me rattrape ce matin. Je vais vers l’Est, toujours vers l’Est, et j’en viens à me demander si je suis toujours au Yukon. J’ai l’impression de me diriger vers les Territoires du Nord-Ouest, mais encore là, ce n’est qu’une vague impression. N’ayant aucune idée d’où je me trouve et n’ayant aucun moyen de le savoir, je sais du moins que je ne vais pas vers la Russie et que, comme les premiers visiteurs des lieux, je n’aurai pas à traverser le détroit de Béring.

L’unique certitude qui éclaire mon esprit : je dois manger! Mes forces ont diminué de 50 % et j’ai besoin de carburant pour la suite du voyage. Le corps est particulièrement outillé pour résister à l’absence prolongée d’entrées alimentaires en puisant dans les réserves de gras ou en réduisant spontanément la dépense énergétique afin de préserver justement ces réserves. Cependant, sans énergie, impossible de bouger. Si je ne bouge pas, impossible de sortir d’ici, ce qui est l’objectif premier de cette aventure « Porté disparu » au Yukon!

Alors, comme je n’ai aucune chance de me faire un caribou à mains nues ou de bondir sur un loup pour le croquer sans avoir à me coltiner un combat avec la meute ensuite, je vais pêcher. Ou du moins essayer! Je suis à la croisée de deux rivières où l’une est boueuse et l’autre possède un courant très rapide. Mes chances sont minces, mais ça vaut le coup. Je ne crois pas pouvoir avancer plus sans me mettre quelque chose sous la dent.

L’aventure n’est pas difficile que pour mon corps, mon esprit en prend aussi un coup. Soyons clairs, je n’ai pas vu d’ours depuis mon départ, mais la bête me hante. Alors que je m’étais installé sur une plage de galets pour faire la sieste, j’ai fermé les yeux pour rapidement tomber dans un profond sommeil. Et voilà que soudainement, juste derrière moi, j’entends un grognement monstrueux qui me glace le sang. D’un coup, comme la veille au milieu de la nuit, je bondis prêt à l’action en hurlant comme un guerrier viking. À moitié réveillé, haletant comme si j’avais fait le cent mètres, je me rends compte qu’il n’y a rien derrière moi. Rien non plus à droite ou à gauche. En fait, il n’y a rien de rien… j’ai été réveillé par mon propre ronflement. J’imagine les titres des journaux : Fred Dion, tué au Yukon, victime d’une émotion provoquée par sa propre respiration!

L’expérience « Porté disparu » est définitivement plus difficile à réaliser ici qu’au Québec. Les plantes, les champignons, la configuration du terrain, tout est différent. Tout est plus sauvage, primaire, rude. Par exemple, je constate qu’il n’y a pas ou presque pas d’oiseaux dans le ciel. Moi qui croyais voir des aigles, des buses, des rapaces ou même quelques espèces autochtones de perdrix, je n’ai rien vu qui portait des ailes dans le coin. En même temps, je n’ai pas toujours la tête en l’air.

Aujourd’hui, l’objectif est de manger.

Si je n’y arrive pas, mon aventure devra peut-être s’arrêter plus rapidement que prévu.

Malgré tout, le moral est bon.

Fred en trois points : 

Moral : 7 sur 10
Physique : 5 sur 10
Ce qui lui manque : Un lit

Capsule de Fred ayant servie à l’écriture de ce texte :  

 

Progression de Fred

Carte _Yukon - Version finale-01

 

Bandeau conférence

17 réponses à “Difficile pour le corps, difficile pour l’esprit

Salut je te lis a chaque fois qu’il y a un texte. Ça me stresse, tu n’as rie manger encore. Tu ne vois pas quand tu va manger. Pour moi ça semble un grand trou néant. Marcher a gauche marche a droite moi je pleurais ma vie entière. Alors c’est pour cela que je suis dans mon salon. Bravo pour ta détermination, je te souhaite un lunch au plus vite. Si tu veut revenir c’est ok avec moi. Bon courage.

Bon il a parcouru à peu près le tiers en ligne droite…il reste dans le canyon ce qui est excellent, il a rejoint la Twitya qui elle va vers l’est tout le temps et ce qui va l’inciter à la suivre…il atteindra le Mackenzie… en espérant que des signes humains se manifesteront sinon effectivement il ne saura pas que Tulita sera pas loin vers le nord… ah mais…le Mackenzie doit couler vers le nord c’est vrai mais son instinct le poussera-t-il vers le sud? … mais là il est clair qu’il doit manger…il parle d’eau claire et de rapides ce devrait être excellent pour y prendre du poisson…il aura besoin d’appâts…vers, insectes, larves… puisse-t-il prendre un beau fish bon sang!

Bonjour Fred…quelle belle aventure…continue de te fier à ton instinct ….ca prend terriblement de courage et de témérité pour tenter une telle expérience…ce que tu as certainement….j’ai été dans les guides dans ma jeunesse et j’adorais nos aventures en forêt…la liberté et les parfums de la nature….il doit bien y avoir un petit poisson quelque part pour toi…..sinon cherche sous les souches…..pas trop appétissant mais plein de protéines y paraît ….soit prudent tout de même ….y’a une petite famille qui t’attend à la maison je crois!

Bonjour Frédéric. Votre aventure est très intéressante à suivre.
Comme vous n’avez pas apporté de provisions pour vous alimenter et que vous ne comptez que sur ce vous trouverez, j’imagine qu’il ne reste que la verdure, baies, fruits, noisettes, poissons, etc. Avez-vous au moins quelques outils pour pêcher ou si tout est artisanal?
Vous vous êtes surement renseigné sur la végétation au Yukon et ce qui peut être mangé?
Bon courage et ne lâchez pas.

Tu m’as fait penser à André-François Bourbeau, dans le surviethon, où il était dans le même état face au manque de ressource. Il s’en ait sortit. Tu es de la même trempe, sinon mieux.
As-tu pensé au pousse de sapin? J’imagine que les épinettes ça fait aussi, ils en font de la bière… Rien de consistant, mais plein de vitamine!
J’ai vécu la même expérience de grognement/ronflement lors d’une excursion alors que je siestais. T’as l’air vraiment fin quand tu gueule après rien et que tu mets ton entourage en panique.
Une rencontre avec un ours sera peut-être de bon augure. Ça voudrait dire qu’il y a de la bouffe. Prend tout de même garde.

Bonjour Frédéric… vous êtes expérimenté, intelligent et aimez vos proches… donc vous saurez prendre la bonne décision concernant la poursuite de cet objectif. Vous faites avancer la “science” de l’aventure et du comportement humain par ce voyage. Bravo et bonne chance pour la suite !
Lien à consulter parmi d’autres concernant les théories des premiers arrivants sur le continent. Celle du Détroit de Behring n’est pas la seule possibilité.
https://salic.uottawa.ca/?q=origines_autochtones

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