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X0E 0K0 Le titre de ce chapitre de ma vie est un code postal. Un code postal est nécessaire pour envoyer du courrier au Canada,…
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Le titre de ce chapitre de ma vie est un code postal. Un code postal est nécessaire pour envoyer du courrier au Canada, car il indique au postier la position de la région et même parfois de la ville où il est possible de recevoir des lettres, des paquets… X0E 0K0 est le code postal de Tulita, où il est possible d’envoyer et de recevoir une carte postale, ce qui est synonyme de civilisation, là précisément où se dénoue l’aventure « Fred Dion, porté disparu au Yukon ». Cette ville, je vous jure, je la mérite.
Je suis sur les genoux.
Un trou dans mon packraft… j’ai dû effectuer une réparation directement sur les eaux. J’étais à une centaine de mètres du bord et il était impossible pour moi de regagner la rive sans risquer de me retrouver dans le fond du fleuve Mackenzie. État d’urgence, équilibre, vent et vague contre moi, j’ai découvert une fuite d’air, sur le dessus de mon embarcation, percée par un tison de mon feu de la veille. J’ai effectué la réparation, avec un petit kit d’urgence, avant de le regonfler. Comme si, à quelques kilomètres du but, j’avais besoin de ça. Comble de malheurs, la pluie s’est abattue sur moi et le vent, toujours aussi têtu, n’arrêtait pas de vouloir me nuire. À pas de tortue, comme un escargot déterminé, tel un paresseux des jungles incapable de transcender sa propre condition pour devenir un guépard, j’ai enduré, enduré, enduré sans jamais arrêter. Puis, j’ai accosté à Tulita. De l’eau jusque dans mes veines, fatigué comme un marathonien éthiopien après sa médaille olympique, l’écume à la bouche et la tête lourde, j’ai posé le pied sur la terre des hommes.
« Va chier, température de merde, je t’ai vaincue! » ai-je pensé en me dirigeant vers un Northern Store. Chocolat chaud et amandes enrobées de chocolat furent les éléments composant mon premier festin. C’est bon du sucre… Et que dire du chocolat chaud qui est, selon moi, la plus grande création de l’homme après les pyramides d’Égypte. En quelques minutes, j’étais sur pied, mon corps absorbant chaque parcelle de nourriture pour en nourrir mon sang, je me suis senti revivre.
Puis, j’ai fait un important constat. J’étais sans abri dans le bois et maintenant, j’étais sans abri dans la civilisation. Tulita n’étant pas, avouons-le, la destination préférée du jet set mondial, quoique le comédien bien connu Leslie Nielsen en fut résident dans sa jeunesse lorsque son père, membre de la Gendarmerie royale du Canada (GRC), y était cantonné, je n’étais pas certain de trouver un endroit pour dormir au chaud.
J’ai demandé de l’aide au magasin général et on m’a indiqué le seul endroit du village où il était possible de louer une chambre. Un bâtiment, plus gros que les autres, aux allures de plus grosse maison, m’a accueilli sur sa galerie, mais pas à l’intérieur. Fermé. Aucune réponse à mes appels. Un soupir sous la pluie, je me gratte la tête pour trouver une solution. Dormir dehors? NON! Pas question. Mon amie l’humidité dormira seule ce soir, je change de maîtresse. Chaleur sera ma nouvelle petite amie! Et j’ai bien l’intention de vivre une expérience à trois; moi, chaleur et confort. Tous dans le même lit! Mais personne pour me répondre… je soupire à nouveau…
Derrière moi, un 4×4 klaxonne! C’est la patronne qui me demande si j’ai besoin d’une chambre pour la nuit. Je souris. Je dis : « Yes please !»
Et me voilà sous la douche, souriant comme un imbécile et surtout, heureux. À tous ceux qui m’ont conseillé de ne pas faire cette aventure en clamant haut et fort que j’allais mourir, eh bien, oui, vous avez raison, un jour je vais mourir. Mais contrairement à plusieurs, avant de manger les pissenlits par la racine, je vais vivre. Vivre le mal et la douleur, vivre la joie et le bonheur, vivre dans l’humidité, mais aussi vivre les plus beaux paysages du monde. Je vais vivre chaque seconde de ma vie, intensément, comme un cadeau précieux et n’en gaspiller aucun moment, pas une demi-seconde. Je vais vivre sans faire de compromis, sans abandonner mes projets en raison de la peur et des doutes. Oui, vivre comme si c’était la dernière journée et pleurer, de joie comme de tristesse, d’ennui comme d’amour. Et si un jour j’échoue, eh bien, j’échouerai! J’échouerai publiquement ou en secret, avec des lecteurs ou dans l’indifférence, cela n’a pas d’importance. Parce que l’aventure, ce n’est pas le Yukon, l’Antarctique ou l’Everest. L’aventure, c’est la vie! Mes aventures sont à ma mesure, les vôtres sont toutes aussi belles et grandioses. Ne bradez pas votre existence au quotidien et à la routine, nos vies sont trop précieuses. Osez l’aventure!
Bon… un peu de sucre et une douche, me voilà philosophe et prêcheur. Oui, oui, ma secte est pour bientôt.
Mais je ne suis pas encore sorti d’ici… demain je dois organiser mon transport pour Norman Wells, puis je ne sais pas non plus qui viendra me chercher. On verra bien.
Il y aura du café demain matin…
Et ma famille bientôt…
J’aime la vie.
Fred en trois points :
Moral : 10 sur 10
Physique : 9 sur 10
Ce qui lui manque : le Québec et sa famille!
Capsule de Fred ayant servie à l’écriture de ce texte :
Progression de Fred